"Cher lecteur,
Je
suis bordélique.
Je
me complais dans un océan nauséabond de bordel perpétuel, dans lequel des
boîtes de pizzas surplombent une montagne de linge méticuleusement accumulé
depuis plusieurs mois.
Le
parfum subtil et délicat du renfermé apaise mon âme en ces froides nuits
d’automne, de même que celui de l’amas de vaisselle radioactive qui m’attend
dans l’évier depuis trois semaines déjà.
La vision de mon bureau fouillis et
inutilisable au point que je doive écrire sur le sol m’apporte la plus grande
sérénité, et le ciel que je perçois à travers mes vitres embuées par la
moisissure me rappelle à cette liberté miséricordieuse
qu’offre la vie d’étudiant. Je fais le malheur de ma colocataire, et l’essentiel
de mon quotidien se résume à me frayer un chemin entre mes assiettes,
chaussettes, poussière et papiers entassés, me permettant ainsi une activité
acrobatique régulière afin de garder la forme.
Petite
déjà, je pensais avoir trouvé la solution au fameux « Va ranger ta chambre » en
glissant l’ensemble de mes châteaux de barbies et pollypockets sous mon lit,
avant de m’en aller, satisfaite, prendre mon goûter. A première vue, nul ne
pourrait soupçonner l’existence de ce diable désordonné tapis en moi, et même
les hennissements hystériques de ma pauvre mère n’ont pu me guérir de ce gêne
maudit.
J’en
deviens décomplexée, si bien que j’en arrive à le placer comme banalité sociale
au sein d’une conversation : Bonjour je m’appelle Kaytleen, j’ai 20 ans,
j’aime les plantes vertes, et je souffre de bordélisme aiguë. Enchantée.
Je
pense sérieusement à monter l’ADFPB, Association de défense des filles pourries
bordéliques, afin d’aider les filles comme moi à revendiquer leur altérité et
ainsi lutter pour une meilleure tolérance de ce défaut au sein de la société.
Après tout, que sont quelques feuilles volantes et vêtements défraichis face à
l’acceptation de sa véritable nature ?
Bordel,
merveilleux bordel."
XOXO,
Kay